Quand 70 tonnes de neige font déraper les discussions aussi vite qu’un skieur hors-piste… Bienvenue dans la tempête vosgienne, où la poudreuse n’est plus ce qu’elle était et où la solidarité locale se retrouve dans le collimateur écologiste. Décryptage d’une polémique givrée autour de la station de la Bresse.
La neige en camion : opération sauvetage ou faute environnementale ?
Il faut bien le dire, la montagne, ça vous gagne… mais l’hiver 2023 n’a pas vraiment gagné la bataille de la neige dans les Vosges. Alors que la plupart des stations étaient fermées pour cause de pistes en mode pelouse, la Bresse (Vosges) trônait, fière, la seule à tenir debout. Sauf que, derrière la carte postale, une histoire bien plus glissante a éclaté : l’acheminement de 70 tonnes de neige, ni plus ni moins, par camion jusqu’à la station.
Cette opération, menée sous la houlette d’Eric Flieller, directeur de l’école de ski locale, n’est pas passée inaperçue. Mercredi 14 février 2024, celui-ci a confirmé à l’AFP avoir fait transporter ladite cargaison blanche depuis un sommet voisin, juste à quelques kilomètres. L’idée ? Préserver coûte que coûte le jardin d’enfants de la station, et, avec lui, une partie de l’économie locale. On ne traverse pas tout le massif pour quelques boules de neige !
Les associations écologistes, la webcam et les preuves à la loupe
L’affaire aurait pu rester locale, perdue entre deux virages, mais elle a aussitôt éveillé la vigilance des associations Alsace Nature et Lorraine Nature Environnement. Celles-ci ont vivement dénoncé le transport—et pour cause : elles affirment que les faits remontent à la fin décembre 2023, alors que l’enneigement était si faible que seule la Bresse réussissait à ouvrir ses pistes. Les écologistes n’ont pas hésité à dégainer des images captées par la webcam de la station : la nuit du 26 décembre, la piste arborait soudain un beau manteau neigeux jusque-là à peine visible la veille. Magie ? Pas vraiment, selon eux !
- Déplacement de neige sur quelques kilomètres seulement
- Utilisation d’images de webcam pour « remonter la piste »
- Indignation sur les réseaux et auprès des médias
Eclaircissements et justification du directeur de l’école de ski
Eric Flieller, pris dans l’averse médiatique, a tenu à recadrer la chronologie. Non, le bal des camions n’a pas eu lieu en décembre, mais bel et bien le 6 janvier. Et de confier, un brin abasourdi : il se dit « estomaqué » par une polémique qu’il juge « ridicule » et surtout « sans raison d’être ».
Pour lui, l’attitude était avant tout dictée par le souci de sauvegarder l’activité économique : maintenir l’ouverture du jardin d’enfants, offrir de quoi faire glisser les touristes venus de loin, bref… permettre à chacun de s’y retrouver. D’autant plus que le transport, explique-t-il, a été effectué par un moniteur poids lourd maison—rien que du local !
Flieller nuance d’ailleurs la portée de son « crime » : à ses dires, seuls 70 tonnes (environ 50 mètres carrés sur 50 centimètres d’épaisseur) ont rejoint la station. « Une quantité dérisoire », affirme-t-il, évoquant un simple « pansement » permettant d’éviter la catastrophe sociale dans « tout le bassin vosgien ».
- Quantité transportée modeste selon lui
- Action présentée comme indispensable à la survie locale
- Regrets d’un buzz démesuré pour un geste qui se voulait pragmatique
« Je suis vraiment désolé, je ne pensais pas avoir fait quelque chose qui prendrait une telle proportion », glisse-t-il encore, déplorant de finir sous le feu des projecteurs… Ou de la neige artificielle ?
Un débat qui ne fond pas au soleil
Face au tollé, la maire de la Bresse, contactée par Vosges Matin, a choisi de ne pas jeter le snowboard sur l’école de ski. Elle a rappelé que ce type de transport est en réalité pratique courante dans les stations avec un mot plein de bon sens (ou de résignation) : il s’agit de « faire des pansements ». En d’autres termes, on colmate les brèches tant bien que mal pour sauver ce qui peut l’être en attendant mieux.
Cette affaire rappelle à tous que l’équilibre est fragile à la montagne : entre préservation de l’environnement et survie économique, la frontière peut être aussi fine qu’une couche de neige fondante. La polémique, elle, n’a pas encore fondu. Mais une chose est sûre : dans les Vosges, chaque flocon compte. Alors, si vous voyez un camion blanc passer, c’est peut-être juste une station qui essaie, elle aussi, de s’en sortir.













